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L'envol de Petit Martinet


Depuis 3 ans, les oiseaux croisent de plus en plus souvent ma route d’une façon chamanique.

Mon allié le condor au moment où j’ai fait le grand saut dans ma nouvelle vie de Shaman, puis le colibri l’été dernier, les mésanges qui ont élu domicile sur mon balcon, une corneille venue me rendre visite à un moment clé ...

Il y a quelques semaines, je me suis imaginée prenant soin d’un petit oiseau abandonné, blessé, le nourrissant, le cajolant. Remis sur pieds - ou plutôt dans ses ailes, il serait reparti voler et faire sa vie en venant me rendre visite de temps à autre, posé sur mon épaule .... Vision enchanteresse mais éloignée de ma réalité dans mon petit appart parisien.

Départ en vacances chez mes parents du côté d’Aix en Provence ... quelle n’est pas ma surprise d’y découvrir une petite boule de plumes recueillie depuis quelques semaines par le AirBNB Zootopia Munos qui abrite chiens, chats, chevaux, poneys, poules, un perroquet abandonné il y a 15 ans ... et je passe sous silence quelques animaux de passage. Le petit pensionnaire est un martinet noir et il est le dernier survivant d’une portée de 5 au terme de 6 semaines de soins. Leur nid a été détruit suite à des travaux de toiture dans le voisinage et connaissant l’amour des animaux de ma soeur et du clan familial, les orphelins sont arrivés directement dans leur nouvelle maison ... et famille.

Ma soeur s’est occupée des oisillons depuis fin juin, mes parents ont pris le relais pendant ses congés, et me voilà à mon tour entrainée dans la danse des repas, des cuillères d’eau et des essais de vol en intérieur pour préparer ses ailes.

Petit Martinet était le plus chétif et apeuré de la portée, et pourtant il est le dernier encore en vie ... Comme quoi, ne jamais sous estimer la force d’un petit Être quel qu’il soit !

A chaque fois que nous l’approchons, je sens son petit coeur s’accélérer et il essaie de se cacher la tête dans son tissu-nid pour qu’on l’oublie. Je me prends d’affection pour lui ; je vais le voir au réveil, lui parle doucement pour lui faire comprendre qu’il ne craint rien, lui plonge le bec dans l’eau fraiche et le regarde ensuite prendre parfois 15 gorgées d’eau d’affilée en s’arrosant au passage. Je refrène les envies de caresses pour ne pas lui faire peur.

Responsable Qualité Nutrition : mon père - tenue du carnet de bord des becquées et pesées pour atteindre le poids de vol

Responsable Bien-Être : ma mère - confort du nid, migration en extérieur à l’ombre, à l’intérieur le soir, rafraichissements, câlins ...

Toute la maison vit au rythme du «bébé».

Je ne connais pas grand chose de cette espèce mais j’apprends beaucoup en quelques jours : les martinets ont une morphologie particulière, de très longues ailes effilées par rapport à leur corps, et de petites pattes. Ils sont faits pour le Ciel : ils peuvent atteindre une vitesse de 200 km/h suivre des courants ascendants jusque 2000-3000 mètres, ils migrent. Leurs nids sont perchés sous les toits, dans des cavités accessibles uniquement par les airs et après leur envol, toute leur vie se passe en l'air (sommeil, accouplement ..) Un martinet qui tombe par accident au sol a peu de chances de pouvoir redécoller, d’où l’importance de participer au baptême de l’air qui se profile.

Petit Martinet est maintenant un adolescent qui cherche par tous les moyens à quitter le nid, il s’élance désormais sur quelques mètres. De violents orages nous contraignent à le garder quelques jours à l’abri et permettent à ma soeur de revenir à temps pour ce moment clé. Débats sur le meilleur moment pour son envol : y a t’il d’autres martinets dans le Ciel ? est ce préférable le matin, le soir avant la nuit ?!!! Inquiétudes et ... appréhension. Visionnage de la bibliothèque «lancez votre martinet dans les airs» sur internet .... Nous ne prenons pas cet événement à la légère ! Votes, et décision solidaire du clan.

15 août, célébration familiale traditionnelle, repas, rires, célébration de Marie ... j’adresse une petite prière pour que notre petit voyageur soit protégé.

Puis le moment de vérité arrive, nous sommes tous réunis dans le champs attenant pour qu’il ne rencontre pas d’obstacles, une dernière petite caresse, un dernier mot d’encouragement et le voilà sur la piste de décollage... dans le creux de la main de ma soeur.

Grand silence, souffles suspendus, 8 paires de d’yeux qui convergent vers la star du jour, et en moi, cette prise de conscience fulgurante de l’importance de ce moment à la fois effrayant et source de liberté pour l’intéressé.

Enjeu de taille : réussir son envol puis apprendre seul à planer, à se nourrir, à trouver sa route. Pas de seconde chance, il ne survivrait pas au sol avec nous en cas d’échec ! Bien sûr, il ne «mentalise» pas comme nous le faisons ce qui se joue pour lui, mais à le regarder humer l’air, regarder partout autour de lui, je peux SENTIR ce qui se passe en lui .. BRRRRRRRR !!!

A ce moment précis je me dis que nous nous plaignons souvent d’actes/ d’étapes dans nos vies qui nous sembles difficiles, voir insurmontables, que nous nous encombrons de nos doutes, nous engluons dans nos peurs paralysant nos forces d’action.

Nous hésitons, un pas en avant, 3 en arrière, j’y vais, j’y vais pas ? Et qu’à postériori on prend conscience ... qu’on l’a fait et que ça n’était pas si compliqué, si terrible que ça, ou que finalement on aura toujours le doute de savoir si on aurait pu/su le faire et ce que cela nous aurait procuré en terme de joie, de plénitude, d’abondance, de nouvelles portes à ouvrir.... Regrets et manque d’estime de nous.

Nous utilisant parfois ces expressions « faire le grand saut, être au bord de la falaise et sauter dans le vide» mais nous le faisons pas réellement comme cet oiseau s’apprête à le faire. Pas de rituel initiatique incontournable pouvant nous coûter la vie qui nous fasse ensuite apprécier chaque moment et chaque risque à sa juste valeur... quoique cela ait réellement existé et existe toujours dans certaines peuplades.

Ramené à ce moment de vérité pour et oiseau, ces peurs me paraissent démesurées, dramatisées et absurdes. Qu’il y a t’il de si grave in fine dans toute tentative ?!!!!

C’est là que Courageux Petit Martinet déploie ses ailes, et hop ! Plongeon vers le sol en rase motte ... il opère un virage et commence à reprendre un peu de hauteur. La ligne d’arbre est proche, nous crions «monte monte MOOOOOOOOONTE ... !!!!!»

Et il s’élève, contourne la ligne, sort du champ ... s’éloignant jusqu’à devenir invisible.

IL L’A FAIT !!!!! Fierté maximale du Clan et joie qu’il ait une chance de vivre sa vie d’oiseau libre.

Le lendemain matin, je me suis levée et par habitude, direction réflexe ... le nid .... Et j’ai réalisé qu’il n’était plus là. Plus de câlins, de mots doux, son petit corps tout chaud dans ma main ... un peu de vague à l’âme et de manque ... difficile de rester sans savoir s’il va bien et s’il a bien pris complètement son envol .... Il est tout seul désormais et ne peut compter que sur ses propres ressources, sur son instinct pour se nourrir seul, suivre les meilleurs courants, trouver son chemin ... Je ne peux plus rien pour lui, si ce n’est lui envoyer du soutien par la pensée et le coeur ... et le confier à l’Univers. Il est désormais entre les mains de la Vie, de l’Univers. Un sourire me gagne, il est libre et vit sa condition d’oiseau.

Et là, BING BANG intérieur, conscience du sens de ces mots applicables à des situations de nos vies.

Nous avons tous et toutes à un moment dû accepter le départ de quelqu’un que l’on aime très fort,

tout simplement parce que nous avons accompagné une petite âme qui prend son envol pour vivre sa vie d’adulte,

tout simplement parce notre "toujours" s'arrête et que nos chemins nous emmènent dans des directions différentes pour notre propre épanouissement personnel.

Et cela nous brise le coeur. Nous regardons avec objectivité la situation, nous faisons le constat que ce départ, cette séparation est juste et nécessaire ... mais nous l’appréhendons, nous entrons en conflit intérieur avec la partie de nous qui REFUSE CATEGORIQUEMENT CE DEPART, nous nous laissons envahir par la peine, la colère, la peur de perdre ce que l’on a connu et vécu, notre sécurité. Nous nous sentons perdus. IMPUISSANTS.

Le manque de cette personne dans notre quotidien, toutes nos petites habitudes pleines d’elle, avoir peur pour elle ... comment dépasser cela ?

En se mettant tout simplement à la place de l’Autre. Son envol va lui permettre de tracer sa propre route, d’identifier ses besoins, de découvrir ses ressources, sa façon de «voler», d’être autonome et libre. DE GRANDIR ... Nous devons lui faire confiance pour prendre soin de lui comme un grand.

En faisant confiance à l’Univers : de même que nous savons qu’il nous amène le meilleur pour nous permettre de nous révéler et de nous réaliser, alors il en est de même pour celui qui part. S’en remettre au Grand Plan.

En ressentant une infinie gratitude pour avoir vécu de bout de chemin ensemble. Rien ne peut effacer ou enlever ce que nous avons offert à cette personne et reçu d’elle pendant ce temps ensemble. Nous avons contribué par notre amour, nos échanges, notre propre parcours à ce qu’elle est aujourd’hui, à son envol.

Mon âme soeur m’a dit un jour «Aimer quelqu’un, c’est savoir le/la laisser partir ...»

Je n’étais pas en état de comprendre cette phrase, focalisée sur ma peur terrible de l’abandon et de la solitude ....

Cela devient tellement juste, et magnifique lorsque l’on passe le stade de l’ACCEPTATION.

Lorsque l’on réussit à rester dans cet état d’amour inconditionnel et à offrir à l’Autre ce cadeau.

Gratitude et Tendresse à Petit Martinet pour ces enseignements et ce magnifique moment d’union vécu en famille.

Bon vol !!!!!

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